jeudi, septembre 08, 2016

Situation politique et religieuse du Tibet à la fin du 19ème siècle

Les soldats font régner l'ordre lamaïste. Ils sont sans pitié. Quand, obéissant aux lamas, ils capturent un « chef ennemi, ils l'écorchent vif ». (Abbé Desgodins)



Le grand malaise entre le peuple et les lamas


En novembre 1871, le vicaire apostolique du Tibet, Mgr Chauveau, donne à l'Abbé Desgodins d'instructifs renseignements sur la situation politique et sociale du pays des neiges dirigé par les lamas :

« En étudiant de plus près les symptômes que présente le Tibet dans ces derniers temps, écrit Mgr Chauveau, on ne peut s'empêcher d'y voir des signes d'une agitation dont il n'est aisé de déterminer ni l'origine ni les conséquences. 

Les deux partis qui se font la guerre à Lhassa depuis 150 ans, continuent à se quereller avec la même animosité. Ces mois derniers encore, bon nombre de lamas séditieux, 4 ou 500 environ, hommes puissants, riches, audacieux, soutenus par l'un des quatre kaluns, ou ministres de l'État, se sont soulevés... [...]


L'autorité du dalaï-lama se maintient par la force 


Il est évident que la puissance religieuse du dalaï-lama ne se maintient que par la force matérielle et par l'ascendant moral de la Chine qui la favorise ostensiblement... [...]


La décadence spirituelle


Le pouvoir temporel tibétain semble donc s'étendre aux dépens de la Chine, sans opposition de la part de celle-ci. En est-il de même de la puissance spirituelle dans le Tibet ? Non, bien s'en faut ; et c'est ici que les signes de décadence sont visibles à tous les yeux. Une scission profonde s'opère entre les lamas et le peuple et, par une bizarrerie dont il est difficile de se rendre compte, les mandarins chinois prennent presque toujours fait et cause pour le peuple contre les lamas. 

Ainsi, l'année dernière, la riche et florissante lamaserie de Tchong-tien a été humiliée, ruinée, presque détruite par les mandarins militaires du Yunnan. 

Un peu plus tard, il y eut de grands troubles à Patang, entre les indigènes et les mandarins d'un côté ; et, de l'autre, les lamas. Les deux armées étaient déjà en présence, et peu s'en est fallu qu'on ait eu des malheurs à déplorer ; les lamas durent se soumettre, et plusieurs payer des sommes assez considérables. 

Il n'y a que quelques mois seulement, des villages entiers se levèrent et vinrent assiéger la lamaserie de Lytang ; la grande route fut interceptée pendant près d'un mois, et ce n'est pas sans peine qu'on a pu rétablir la tranquillité. 


Les lamas massacrent des émissaires civils 


Au moment même où nous écrivons, nous sommes témoins d'un fait, dont les suites peuvent être graves, parce qu'il touche à des principes et à des intérêts auxquels ces peuples ne resteront jamais indifférents. À deux journées sud-est de Bonga, en territoire chinois, il existe, de temps immémorial, une lamaserie puissante nommée Hong-poû. Soutenue par le gouvernement de Lhassa et par le chef tibétain de Kiang-ka, cette lamaserie a toujours refusé sa part des contributions de la guerre contre les mahométans révoltés. Vaincue une première fois, il y a trois ans, elle promit après de longs pourparlers une somme de 7.500 francs, somme bien entendu qu'elle n'a jamais donnée. Les officiers chinois lui envoient en parlementaires des chefs indigènes importants ; la lamaserie fait feu sur eux et les tue. 


Le peuple se réjouit à l'idée de la destruction de la lamaserie Hong-poû 

Une armée chinoise de 8.000 hommes va marcher, dit-on, contre cette lamaserie qui se refuse à toutes les propositions ; on est bien dans l'intention de la détruire, à la grande joie des Tibétains eux-mêmes. Quant aux lamas, ils se sont retirés dans les forêts du Tsaarong, où l'armée chinoise ne sera pas tentée de les poursuivre. [...]


Le grand malaise tibétain


On pourrait résumer en quelques mots la querelle des lamas et du peuple tibétain : les lamas veulent conserver et même étendre des droits acquis par l'usage, il est vrai, mais absolument ruineux pour la famille ; — le peuple réclame un affranchissement dont il n'y a pas d'exemple dans ces montagnes. De là un grand malaise : le pays s'appauvrit comme toute terre où règne l'esclavage ; les bras s'engourdissent, des terrains, dont on pourrait tirer bon parti, sont abandonnés ; le chiffre de la population diminue, et la race menace de s'éteindre. Le lama, de son côté, ne relève pas ses institutions ; il n'entreprend rien ; il s'endort lui-même dans l'abrutissement et l'ignorance ; il perd enfin de ce prestige que lui valurent autrefois des bienfaits et peut-être des vertus dont on ne voit plus d'exemple. Ce sont autant de malheurs pour des contrées encore demi-barbares. »

Mgr Joseph Chauveau (1816-1877), vicaire apostolique du Tibet.








Un choc des cultures au cœur de l'Amérique

En 1987, le professeur de journalisme Stephen Bloom, un libéral typique, a voulu explorer ses racines juives en rejoignant la communauté Hab...